Comment résoudre les problèmes de recrutement dans la restauration ?
28/02/2024
Ce n’est plus vraiment un secret : les établissements indépendants comme les groupes de la restauration font face à des problèmes de recrutement sans précédent. Le nombre de 150 000 emplois vacants est d’ailleurs régulièrement évoqué dans les médias.
Nous vous proposons ici de mettre ces difficultés en perspective et de répondre à la question qui fâche : comment la restauration peut-elle sortir de ce qui s’apparente à une crise de personnel ?
Restauration : problèmes de recrutement ou pénurie de main d'oeuvre ?
C’est une petite musique qu’il n’est pas rare d’entendre depuis la fin de la crise Covid en 2021 : la restauration ferait face à une « pénurie de main d’œuvre » sans précédent.
Les établissements de la restauration sont constamment en recherche de personnel, que ce soit en salle ou en cuisine. Certaines enseignes se voient obliger de fermer un ou deux jours supplémentaires par semaines faute de bras… Le phénomène inquiète et chacun aimerait trouver le remède miracle.
Qu'est-ce qu'une pénurie de main d'œuvre ?
C’est en lisant l’article académique rédigé par Michèle Forté et Sylvie Monchatre : « Recruter dans l’hôtellerie-restauration, quelle sélectivité pour un marché du travail en tension », que l’on a commencé à mettre en doute cette rhétorique permanente de la pénurie de main d’oeuvre dans la restauration.
L’article en question ne date certes par d’hier, mais il a le mérite de mettre en lumière des vérités plus que jamais d’actualité et intéressantes à observer dans la situation qui nous occupe.
La notion de pénurie de main d’œuvre suggère qu’il y aurait un « manque structurel et quantitatif d’individus formés dans le secteur » (Afriat et Seibel, 2002). En d’autres termes, il y a pénurie lorsque la demande (le nombre d’emplois disponibles) excède l’offre (le nombre de personnes en recherche d’emploi et qualifiées pour occuper ces postes).
Restauration : les problèmes de recrutement ne sont pas dus à une pénurie de main d'oeuvre
Le terme « pénurie de main d’œuvre », impliquerait qu’il n’y aurait plus assez de profils qualifiés et disponibles pour pourvoir les offres d’emploi actuellement ouvertes.
Or, Pôle Emploi dénombrait encore plus de 3 millions de demandeurs d’emploi en mai 2023 ! Largement de quoi répondre aux quelques 250 000 offres qui n’auraient toujours pas trouvé preneur, que ce soit en salle ou en cuisine.
De plus, il n’a pas été constaté de baisse significative de jeunes en sortie de formation hotellière ou en cuisine. Pour preuve, le nombre de contrat d’apprentissage est resté stable même après la pandémie. Ainsi, nous voyons peu ou prou le même nombre de jeunes sortir chaque année de formation, qualifiés pour remplir les rangs des établissements de la restauration.
Enfin, les étudiants, grands pourfendeurs de postes à temps partiels et saisonniers, ont toujours besoin d’occuper un emploi en parallèle de leurs études, et sont toujours désireux de travailler l’été entre deux années de formation.
La main d’œuvre qualifiée existe. En revanche, la restauration fait bel et bien face à des problèmes de recrutement importants : elle n’arrive pas à attirer et retenir son personnel.
Restauration : les facteurs qui expliquent les problèmes de recrutement
Chaque année, le Ministère du Travail (Dares) publie un rapport sur les tensions du marché du travail, secteur par secteur. Il en résulte un indicateur, qui peut être vu comme un « score de tension ». L’indicateur de tension du secteur de l’hébergement-restauration, s’il a été multiplié par 4 entre 2020 et 2021 (passant de 0,04 à 0,36), demeure largement inférieur à la moyenne nationale, tous secteurs confondus (0,6).
Parmi les paramètres qui font baisser la note : le fait que les métiers du secteur CHR ne sont pas confrontés à une pénurie de main d’œuvre !
Des conditions de travail contraignantes
Le paramètre « condition de travail contraignantes » récolte une note de 4/5 pour les employés et agents de maîtrise, et 5/5 pour les cuisiniers.
L'intensité des embauches
L’intensité des embauches est le critère récoltant le « score de tension » le plus élevé (5/5)
La non-durabilité de l'emploi
Le critère « non-durabilité de l’emploi » obtient également un score supérieur à la moyenne.
Ainsi, le secteur de la restauration est en tension parce que les conditions de travail y sont difficiles et le taux de turnover deux fois plus élevé que la moyenne nationale (en grande partie à cause des fins de contrats impromptues et de la saisonnalité de l’activité).
Conclusion : les problèmes de recrutement en restauration ne sont pas tant dus à une pénurie de personnel, mais plutôt à un besoin permanent de recruter. Ce besoin permanent émanant de l’incapacité des entreprises du secteur à fidéliser leur personnel.
Pourquoi la restauration subit-elle des problèmes de recrutement ?
La restauration : un secteur dépendant de l'évolution du marché du travail.
Il intéressant de souligner un lien structurel entre le niveau du chômage et les problèmes de recrutement dans la restauration :
En d’autres termes, le personnel aurait tendance à se tourner vers la restauration « en dernier recours », c’est à dire lorsque les opportunités viennent à manquer dans d’autres secteurs.
Lorsque l’on sait que le taux de chômage a atteint son plus bas niveau depuis 2008, on commence à comprendre les raisons des difficultés actuelles à recruter dans la restauration.
Si l’on ajoute à cela les effets post-crise Covid, où les salariés du secteur ont redécouvert des sensations oubliées. Amener ses enfants à l’école, passer des soirées en famille, profiter de jours de repos consécutifs…
Ces envies, ajoutées aux nouvelles aspirations des jeunes travailleurs souhaitant donner plus de place au temps libre et au bien être physique et mental, amènent à comprendre pourquoi la restauration n’avait jamais subi un tel manque de personnel.
Construire et déployer une marque employeur forte est aujourd’hui essentiel pour attirer et fidéliser des profils qualifiés dans un contexte de pénurie des talents comme l’hébergement-restauration.
Les raisons des problèmes de recrutement en restauration
Les conditions de travail contraignantes : principale raison de la crise du personnel en restauration
C’est un secret de polichinelle : travailler dans la restauration, c’est dur. Que l’on soit un profil « qualifié » (chef cuisinier, pâtissier, boulanger, Maître d’hôtel…) ou « d’exécution » (commis, plongeur, serveur,…) les conditions de travail peuvent être jugées difficiles.
Fortes amplitudes horaires, jours de repos non-consécutifs, emploi physiques, travail debout et toujours en mouvement…
Certaines de ces difficultés peuvent être atténuées : en fermant un établissement deux jours consécutifs, en mettant en place des roulements de planning, en évitant les coupures… Et ce sont d’ailleurs des points sur lesquels hôteliers et restaurateurs se sont attachés à faire des efforts depuis 2021.
Cependant, on ne pourra pas changer la nature d’un secteur dont l’essence même et d’être ouvert aux horaires qui permettent aux clients de s’amuser ou se reposer, ni supprimer complètement la pénibilité du travail dans le secteur HCR.
Les salaires faibles n'améliorent pas les problèmes de recrutement et de fidélisation en restauration
La question des salaires dans le secteur CHR a été au centre des discussions lors de la période post-Covid. En Décembre 2021, les organisations patronales avaient acté une augmentation moyenne de 16,33% sur l’ensemble de la grille salariale, avec une rémunération minimum supérieure de 5% au SMIC dès le premier niveau.
Seulement, cette information a été largement démentie depuis. En effet, la plus grande partie de cette augmentation a été captée par les profils « qualifiés » : agents de maîtrise, cadres… Qui ont vu leur taux horaire augmenter de 3 à 5 euros selon les échelons.
Sur les postes « d’exécution » qui représentent la majorité des postes vacants dans le secteur CHR, les augmentations ont été bien moindres : de l’ordre de 50 à 180€ nets par mois selon l’échelon de l’employé. Surtout, les salaires de ces employés de niveau 1 et 2 étaient si bas avant le Covid, que cette augmentation a eu simplement le mérite de remettre les salaires de base au niveau du SMIC.
L'impact de la réforme de l'assurance-chômage sur les postes de saisonniers
La réforme de l’assurance-chômage passée en Février 2023 a grandement compliqué la tâche des recruteurs du Tourisme saisonnier (campings, village vacances, hôtels, restaurants) !
En effet, il n’est désormais plus possible de débloquer des droits au chômage en travaillant sur une saison d’hiver ou d’été complète.
Problème : le chômage était souvent salutaire pour des profils qui souhaitent prendre du temps pour eux avant d’enchaîner sur la saison suivante !
Un besoin de recrutement constant à cause de l'incapacité à fidéliser le personnel
Ce n’est pas vraiment une surprise, le taux de rotation du personnel (turnover) est deux fois plus élevé dans le secteur CHR que la moyenne Française, avec des coûts associés qui peuvent s’avérer exorbitants.
Comment expliquer ces difficultés ? La nature du secteur est une première donnée importante.
En effet, la forte saisonnalité de l’activité et le fait qu’une grande partie des emplois soient qualifiés de postes « d’exécution », ne demandant pas de formation initiale (serveur, plongeur, commis, agent d’entretien,…) implique de considérer les emplois proposés par le secteur comme des emplois « de transition ».
La population hétérogène qui couvre ces besoins en main d’œuvre fait rarement carrière dans le secteur CHR. On vient y travailler pour une période temporaire, pour une saison, en parallèle de ses études, bref : on y reste pas indéfiniment.
Mais depuis le Covid, on remarque que la volatilité du personnel touche également, et plus intensément, les postes qualifiés (notamment en cuisine), qui n’hésitent pas à faire jouer la rareté de leurs compétences sur le marché pour trouver des conditions de travail et des salaires plus confortables.
Comment résoudre les problèmes de recrutement en restauration
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